Pour la première séance de sa nouvelle saison dédiée à la notion de résistance(s), le séminaire interdisciplinaire « La santé en débat. Rencontres autour des recherches francophones en sciences humaines et sociales sur la santé », organisé par Alexandre Klein (Université Laval), Gabriel Girard (ESPUM) et Pierre-Marie David (Université de Montréal) dans le cadre des activités du réseau Québec Sciences Sociales et Santé (Q3S) est heureux de recevoir :
Lise Dassieu
Université de Montréal
Pour une conférence intitulée
Résister à la stigmatisation : médecins et patient.e.s dans la prise en charge de la dépendance aux drogues
Elle se déroulera le Jeudi 17 janvier 2019 à 17h
au Pavillon Paul-Gérin-Lajoie de l’Université du Québec à Montréal, salle N-8510.
L’utilisation de drogues est une pratique socialement dévalorisée faisant l’objet d’une forte stigmatisation, particulièrement lorsqu’il s’agit de drogues illicites telles que les opioïdes. À partir de mes recherches empiriques au Québec et en France, j’explorerai plusieurs formes de résistance à la stigmatisation que déploient les usager.e.s de drogues, mais aussi les professionnel·le.s de santé assurant leur prise en charge. Mes recherches auprès de personnes utilisatrices de drogues souffrant de douleurs chroniques à Montréal montrent comment le refus de se définir en tant que personnes vulnérables s’inscrit, pour ces personnes, comme une tentative de résistance face à de multiples situations de stigmatisation. Leur posture incite à réinterroger les catégories d’interprétation de leurs expériences de vie couramment utilisées dans les champs de la santé publique et de l’intervention sociale. D’autre part, en réaction à un effet de « contamination » du stigmate lié aux drogues, les médecins généralistes français prescrivant des traitements de substitution aux opioïdes cherchent à se dissocier de l’identité discréditante du médecin-dealer, distributeur d’ordonnances de médicaments psychotropes. Leur résistance passe par des pratiques de tri au sein de leur patientèle, qui produisent, en retour, des inégalités d’accès aux traitements et un renforcement de la stigmatisation des personnes dépendantes les plus marginalisées. Ces dernières accèdent alors difficilement au statut social de patient.e.s de la médecine générale. Les possibilités des personnes utilisatrices de drogues pour réagir à ce phénomène sont réduites, mais certaines s’efforcent de correspondre à la représentation idéalisée par les médecins du « bon toxicomane », compliant et déterminé à « guérir ». Mes recherches ouvrent la voie vers un questionnement critique sur le rôle que jouent les politiques et interventions de santé publique dans le renforcement de la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues. C’est donc à l’échelle des politiques de santé qu’il faut poursuivre la réflexion sur les résistances à la stigmatisation.